Collection érotologie

Nul ne doute plus aujourd’hui, même en France, que les études féministes, gaies et lesbiennes, les gender studies et, plus récemment, la queer theory constituent un champ qui s’est imposé à côté du champ freudien, parfois avec lui, d’autres fois contre lui. Ce champ a pris son essor dans un pays, les États-Unis, et à une époque où la psychanalyse, comme desséchée sur place, se recroquevillant sur ses propres racines « freudiennes », s’était elle-même rendue prisonnière de la psychiatrie et d’un souci marqué d’adaptabilité sociale.

Est-ce à dire que l’un quitte la scène quand l’autre vient l’occuper ? Ce n’est pas si simple, et tout d’abord pour cette raison que si certains problèmes étudiés paraissent communs, pour le moins se croisent, d’autres sont dans une disparité telle que l’idée d’une concurrence perd tout sens.

Entrepris depuis maintenant une dizaine d’années, l’accueil en France des travaux susdits (à commencer par leur traduction et publication), supplémenté de travaux nouveaux venus, pose un problème inédit qui concerne, il est vrai différemment, les deux champs mais qui ne sera pas sans conséquences sur chacun. L’enjeu d’une telle transplantation va bien au-delà de l’Hexagone.

Bien des transformations devront être apportées à ce que véhicule le champ freudien, bien des préjugés levés, bien des « savoirs » déconstruits. Tel apparaît déjà le prix à payer pour que prête à conséquence la connivence des deux champs, leur commune résistance à ce que le social, aux États-Unis comme en France, tente d’imposer à chacun au titre de la norme ou, plus simplement, du bon sens.

Après les aveux de la chair

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Attraper erôsdans le filet du logos, l’Occident n’a pas attendu la psychanalyse pour s’y employer.Entre les aphrodisiagrecs et le dispositif de sexualité moderne, il ne restait plus à Foucault qu’à déposer une dernière pièce au puzzle de son Histoire de la sexualité : que s’est-il passé au temps de la concupiscence chrétienne et du péché de chair ? Comment le sexe en est-il venu à polariser le rapport de soi à soi ?

« Il m’a semblé, écrit Foucault, que la question qui devait servir de fil directeur était celle-ci : comment, pourquoi et sous quelle forme l’activité sexuelle a-t-elle été constituée comme domaine moral ? »

À qui sont destinés les aveux ? De quoi libèrent-ils ? Quel sujet moderne l’expérience de la « chair » dans le christianisme a-t-elle contribué à construire ?Les Aveux de la chair jettent le trouble dans une « histoire de la sexualité » qui s’avère faussement linéaire et sollicite tout autant philosophes, historiens, spécialistes de la littérature et psychanalystes.

 

Ce volume fait écho à Bien avant la sexualité. L’expérience érotique en Grèce ancienne, publié en 2019 chez Epel.

 

Ouvrage dirigé par Sandra Boehringer et Laurie Laufer.

Contributions de Jean Allouch, Thamy Ayouch, Fabrice Bourlez, Raquel Capurro, Guy Casadamont, Philippe Chevallier, Frédéric Gros, Guy Le Gaufey, Daniele Lorenzini, George?Henri Melenotte, Gonzalo Percovich, Philippe Sabot, Annie Tardits, Sara Vassallo, Mayette Viltard.

Bien avant la sexualité

David Halperin, John Winkler & Froma Zeitling.

Préface et traduction (dir.) de Sandra Boehringer.

Postface de Jean Allouch. Paris, Epel, 2019.

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Au moment où Michel Foucault distinguait les aphrodisia grecs de la chair chrétienne et de « bonne sexualité » contemporaine, plusieurs spécialistes de l’Antiquité, aux États-Unis et en France, se réunissaient pour mettre au jour le vaste domaine d’erôs. 

En anthropologues du passé, les auteurs de cet ouvrage explorent des domaines variés de la vie des femmes et des hommes grecs et tentent d’appréhender ce que pouvait être l’expérience érotique dans une société d’« avant la sexualité ».

Rêver de sexe et prévoir l’avenir, soigner les corps, célébrer les divinités, observer les visages, parler à l’assemblée, rire ensemble au banquet ou découvrir les effets brûlants du désir ; on est invité ici à la découverte d’une terre étrangère, avec les mots et les concepts d’une Grèce bien différente de celle que l’on croit connaître.

Lee Edelman : L’Impossible homosexuel. Huit essais de théorie queer

Préface de David Halperin

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Guy Le Gaufey

Juin 2013, 358 p.

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Candidat à l’intégration sociale, l’homosexuel est devenu une figure du possible, un personnage respectueux et respectable, un citoyen normal. Lee Edelman fait bien plutôt valoir que, paria politique et social, emblème du gaspillage, de la non-productivité et du non-sens, l’homosexuel est nécessairement et fatalement impossible.

En présentifiant ainsi et pour tous l’impossibilité comme tellee, il  subvertit le privilège jusque-là réservé à l’hétérosexualité de s’ignorer elle-même.

L’œuvre d’Edelman a suscité la colère d’une droite homophobe tout autant que celle d’une gauche bien-pensante. 

Leo Bersani : Sexthétique

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christian Marouby, Dimitri Kijek et Guy Le Gaufey

Octobre 2011, 230 p.

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« Je suis mort » écrit Mallarmé à Théodore Aubanel en juillet 1886, puis, un an plus tard, à son ami Cazalis. Emphase rhétorique ? Complaisance à la crise qui le mine ? C’est à une étude sur cette mort paradoxalement créatrice que Leo Bersani convie son lecteur. Rompant avec une certaine critique qui eut ses lettres de noblesse, il invente un mode de lecture sans surplomb de l’œuvre mallarméenne afin d‘interroger la nature de cette mort que le travail du vers a révélée, de repérer ses expressions et ses conséquences dans l’écriture poétique elle-même.

Paru aux États-Unis en 1982, ce petit livre, qui n’a aujourd’hui rien perdu de son éclat, ouvre la voie à une nouvelle approche de la sublimation.

Leo Bersani est l’auteur, notamment de Théorie et violence : Freud et l’art (Seuil, 1984), Homos (Odile Jacob, 1998), Le rectum est-il une tombe ? (Cahiers de l’Unebévue, 1998). Avec Ulysse Dutoit, il a publié récemment chez Épel Les secrets du Caravage (2002).

Maud Gleason : Mascarades masculines. Genre, corps et voix dans l’Antiquité romaine

Postface de Florence Dupont

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sandra Boehringer et Nadine Picard

Février 2013, 326 p.

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Maud W. Gleason, Making Men: Sophists and Self-Presentation in Ancient Rome. Princeton: Princeton University Press. Pp. xxxii, 193. $29.95. ISBN 0-691-04800-2.

Comment influencer et séduire un public ? Comment emporter l’adhésion des foules, conclure un discours sous un tonnerre d’applaudissements ?

En Grèce et à Rome, on s’exerce aux techniques de la rhétorique et aux subtilités de la langue, mais ce n’est qu’un aspect des exigences de l’art oratoire : pour convaincre, émouvoir, charmer, il faut un corps et, surtout, il faut une voix.

Une voix profonde et masculine ? Pas forcément. Maud Gleason nous guide dans les assemblées, les tribunaux, les places publiques où officient les orateurs sophistes du monde gréco-romain. On y croise les stars de l’époque : Favorinus, à la voix chantante et à l’élégance féminine, fait vibrer aussi bien les hommes que les femmes ; Polémon, homme politique et déclamateur à la virilité affichée, « lit les visages » grâce à ses talents de physiognomoniste et débusque les efféminés qui s’ignorent comme ceux qui s’avancent masqués.

Mascarades masculines dresse une cartographie des systèmes de genre à la fin de la République et sous l’Empire : point d’identité de sexe naturelle, mais des corps et des voix construits, travaillés, formés, qui révèlent des logiques érotiques et sexuées fort différentes des nôtres.

Maud Gleason est professeur à l’Université de Stanford, où elle dirige le département des études classiques. Ses recherches portent sur les Grecs et leur culture dans l’Empire romain. Elle est l'auteur d'études portant sur la question du corps chez Galien et Jérôme, et a publié des nombreux travaux sur les questions de genre, de religion, d’identité et de mise en scène de soi.

David Caron : Marais gay, marais juif. Pour une théorie queer de la communauté

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Guy Le Gaufey

Juin 2015, 346 p.

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Dans le quartier du Marais, cohabitent une communauté juive, constituée au fil des guerres et des pogroms, et une communauté gay depuis l’arrivée du sida.

Qu’est-ce qui fonde chacune d'entre elles? Ni des modes de vie établis, ni un projet d’avenir partagé, mais la présence continuée, en creux, d’une catastrophe inaugurale.

Relues sous cet angle, les œuvres de Guillaume Dustan, Marcel Proust, Robert Antelme, ou celle de Charlotte Delbo dessinent un concept de communauté incompatible avec le schéma familial archaïque comme avec le principe moderne du contrat : son modèle n’est autre que l’amitié de groupe, bâtie sur le désastre.

David Halperin : L’Art d’être gai

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie Ymonet

Avril 2015, 622 p.

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Quels rapports la sexualité entretient-elle avec la culture ? Où vont les préférences culturelles des gais ?

Best-seller dès sa parution aux États-Unis, L’Art d’être gai n’est pas un manuel de savoir-vivre, mais une exploration inédite de l’usage que font les gais de la culture hétérosexuelle dominante. On y découvre les clefs de la subjectivité gaie, les conditions et les pratiques sociales qui la fondent.

Pourquoi cet amour pour l’opéra et les divas, les feuilletons télévisés, les mélodrames hollywoodiens ? Dans cet essai de politique sexuelle du style, David M. Halperin mène l’enquête sur les ressorts de l’esthétique gaie et de son humour décapant.

Juan Gil-Albert : Le Style homosexuel. En Espagne sous Franco

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Traduit de l'espagnol et introduit par Annick Allaigre.

Mai 2008, 166 p.

Unique dans les lettres espagnoles, dérangeant dans son propos. Écrit en 1955, dans une Espagne muselée par le franquisme, Le Style homosexuel ne fut publié qu’en 1975, alors qu’un vent vif d’espoir soufflait sur un pays désireux de rattraper le temps perdu en matière de liberté. Néanmoins, le sujet, dans ce pays très catholique, était encore, aux dires mêmes de l’auteur, « scabreux » ; une bonne trentaine d’années plus tard il ne l’est plus guère mais l’oeuvre n’en est pas pour autant consensuelle : Gil-Albert lui-même fait état de son manque d’aménité. L’homosexuel qui y est dépeint, dont le modèle mythique est le demi-dieu Héraclès, est un homme libre, dont la solitude, traversée de rencontres, est radicale. Très dense, d’une grande érudition, ce livre tend vers l’essai par une certaine rigueur argumentative, un souci de problématiser la question, mais son écriture ne se déprend jamais, même dans les moments les plus arides de la démonstration, de ses qualités poétiques. Et, inversement, la fiction y est porteuse de vérité. Ainsi la première partie, recréation du mythe d’Héraclès intitulée Hommage à Platon, fonctionne comme un apologue : l’absence de culpabilité de l’homosexuel est déclarée par le meurtre du serpent des mains d’Héraclès ; l’amour est sous le signe de la caducité (ici à cause de la disparition d’Hylas) mais bien qu’éphémère, la rencontre est décisive (la douleur d’Héraclès l’atteste) au point que la blessure entraîne l’amant à se surpasser (par les travaux et les aventures extraordinaires). À s’interroger sur les raisons qui ont poussé Gil-Albert a choisir les amours d’Héraclès et d’Hylas plutôt que d’autres, comme celles qu’il partagea avec Iolaüs, auxquelles Gide fait allusion dans Corydon, on saisit qu’elles donnent la possibilité d’évoquer l’expédition des Argonautes, non pour le rôle, plutôt secondaire, qu’y joua Héraclès, mais parce que la Toison d’Or, but de l’expédition, ramenée par Jason, est portée en médaillon par les rois d’Espagne depuis Charles Quint, grand-maître de l’Ordre de ce nom, et que, par ce fil si ténu Gil-Albert relie l’Espagne à la Grèce antique, son expérience à celle d’Héraclès. Et, ce, grâce à l’art car, de même que la Toison d’or est devenue un bijou, les exploits chez Gil-Albert s’appellent écriture et création littéraire. À la croisée des genres, entre fiction et traité, Le style homosexuel est l’œuvre « non d’un penseur qui écrit mais d’un poète qui pense », comme l’écrit Jean Allouch. Juan Gil-Albert a une œuvre considérable de poète, mais c’est aussi un grand prosateur, qui a produit des essais, des chroniques, des mémoires et des romans. Certains ont été traduits en français par Christophe Alain-Denis, chez Actes Sud. C’est le cas de Valentin (1987) ou encore de Les Archanges (1989).

Mario Mieli : Eléments de critique homosexuelle. Italie: les années de plomb

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Traduit de l'italien et préfacé par Massimo Prearo.

Mai 2008, 356 p.

Éléments de critique homosexuelle fut d’abord publié chez Einaudi, dans la célèbre collection « Essais », au côté de signatures aussi prestigieuses que Pavese, Marx, Brecht, Gide, Marcuse, Huizinga, Blanchot, Gombrich, etc. Épuisé en quelques mois seulement, une deuxième édition paraît en juillet 1978. Devenu quasiment introuvable, ce n’est qu’en 2002 que Feltrinelli en publie une troisième édition. Synthèse lucide et radicalement critique des expériences concrètes de libération, les Éléments constituent l’un des textes les plus importants écrits dans le bouillonnement militant des années 1970. Critique formulée d’un point de vue homosexuel et critique du point de vue homosexuel lui-même, le livre avance des propositions théoriques fondamentales anticipant les travaux de Monique Wittig et de Judith Butler. Voyageant avec aisance et érudition de la pédérastie antique à l’interdit biblique, des bûchers d’antan aux lois anti-homosexuelles contemporaines, Mieli déconstruit un à un les préjugés psycho-socio-médicaux les plus répandus sur l’homosexualité, sans craindre de se confronter aux contradictions psychanalytiques de Freud comme aux incohérences de ses disciples.Son idée d’un possible dépassement des catégories identitaires, de genre et d’orientation sexuelle, dans l’exercice performatif de la transsexualité, fait écho aux aspirations queer du présent, mais avec la fraîcheur et la pertinence propres aux esprits visionnaires.

Leo Bersani : La mort parfaite de Stéphane Mallarmé

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Châtelet.

Avril 2008, 152 p.

Partant d’une déclaration de Mallarmé dans sa correspondance qui annonce sa propre mort, Leo Bersani explore dans cette courte étude le sens de cette disparition et ses conséquences sur le travail du vers. Il développe son enquête en trois temps : « L’homme meurt », « La poésie est enterrée » et enfin « Igitur, le poète écrit » en se fondant sur la lecture de l’œuvre mallarméenne, prose, poésie, textes dits de circonstance ou de commande, recueils, articles de journaux et correspondance. Soucieux de ne pas réitérer un certain type de commentaire qui vise à élucider l’écriture du poète comme si elle était insuffisante ou contournée, Bersani s’emploie à relever ce qui en elle, paradoxalement, décrit et suppose la mort de son auteur, la rendant du même coup possible. Longtemps professeur de littérature française à l’université de Berkeley, Leo Bersani offre ici un essai sur la sublimation, une question qu’il aborde aussi dans Baudelaire et Freud et Théorie et violence : Freud et l’art (Seuil, 1981 et 1984). Paru aux États-Unis en 1982, cet ouvrage n’a aujourd’hui rien perdu de son éclat. Leo Bersani est connu en France par deux autres ouvrages : Homos (Odile Jacob, 1998), et, avec Ulysse Dutoit, Les secrets du Caravage (Épel, 2002). Il fut invité par Michel Foucault, en 1982, à donner quatre conférences au Collège de France. Ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues. Il est passé d’études centrées sur la littérature française à des recherches interdisciplinaires touchant à la psychanalyse, l’art, la théorie queer, la peinture et le cinéma.

Mark Jordan : L'invention de la sodomie dans la théologie médiévale

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Guy Le Gaufey.

Avril 2007, 222 p.

Durant des siècles, rien ne laisse entendre que les Sodomites se livrent à la sodomie : ils sont « arrogants », manquent aux « devoirs de l’hospitalité », vivent dans la luxuria et la terrible vengeance divine s’abat sur eux. Le terme « Sodomites » ne désigne alors rien d’autre que les habitants de cette ville maudite, en proie aux péchés les plus divers. Au Xe siècle, le martyre de saint Pelage – jeune éphèbe captif, décapité pour s’être refusé aux pressantes sollicitations d'Abd al-Rahmân III – se trouve monté en épingle pour donner forme narrative à un péché tel qu’il n’a pas encore de nom. Le substantif « sodomie » n’arrive en effet qu’au XIe siècle, avec Pierre Damien. Dans son Livre de Gomorrhe (écrit autour de 1050), cette invention lexicale désigne une kyrielle de péchés innommables qui tous, gaspillant la semence mâle, vont « contre nature ». Le mot était introduit et le concept en voie de construction. Lecteur de Pierre Damien, Alain de Lille, Albert le Grand, Thomas d’Aquin, Mark D. Jordan retrace ici l’histoire des incohérences, inconsistances et paradoxes de la sodomie auxquels aura désormais affaire la doctrine morale chrétienne. Seul péché de chair à être aussi péché contre l’Esprit, il ne peut être rédimé. Se pourrait-il qu’un pli ait alors été pris dont ne se serait guère départie notre moderne sexualité ? Que sous couvert d’un sens tenu de nos jours pour précis continue de courir une somme millénaire de préjugés ? Mark D. Jordan est professeur de théologie aux États-Unis, où il a publié de nombreux ouvrages, entre autres : Ordering Wisdom : The Hierarchy of Philosophical Discourses in Aquinas. Il a également coédité Ad Literam ; Authoritative Texts and Their Medieval Readers.

John Winkler : Désirs et contraintes en Grèce ancienne

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sandra Boehringer et Nadine Picard.

Mars 2005, 448 p.

Qu’y a-t-il de commun entre un rêve érotique, un jardin florissant, des gâteaux en forme de sexe, une poupée piquée d’épingles, un œuf caché dans les jacinthes et le linceul tissé par Pénélope ? Avec érudition et humour, John Winkler le montre : la construction et la définition des rapports de sexe et de genre se manifeste là, non seulement selon les normes de l’élite athénienne, mais aussi selon les pratiques populaires en Grèce ancienne.

De l’œuvre d’Homère et de la poésie de Sappho aux romans grecs, sans négliger des sources moins étudiées (textes médicaux, papyrus magiques, interprétations de rêves), Winkler entraîne son lecteur loin des interprétations consensuelles des textes canoniques – souvent ethnocentrées et androcentrées.

Winkler concilie avec éclat anthropologie, féminisme et philologie classique. Enquêtant dans un monde exotique – la Grèce ancienne, quoi qu’on en pense, nous est étrangère –, Winkler relève les indices et trace les contours de la cartographie politico-érotique des Anciens. On accède alors à ce que masquait l’image idéale et figée d’une virilité dominante : il y eut une figure, celle du kinaidos, pour hanter cette virilité ; il y eut des femmes pour savoir jouer avec les normes et conquérir une autonomie ; il y eut des stratagèmes, des astuces, par où s’écrivaient, se vivaient d’autres formes du désir.

David Halperin : Oublier Foucault : mode d’emploi.

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Châtelet.

Novembre 2004, 96 p.

Dès 1977, le titre même d'un opuscule enjoignait d'oublier Foucault. D'une certaine façon, on s'y est appliqué, aux États-Unis notamment, où l'invocation devenue presque rituelle de son nom a pour effet de réduire sa pensée à une poignée d'idées reçues et de slogans aujourd'hui si courants qu'ils rendent parfaitement accessoire la lecture de ses textes.

Après Saint Foucault, David Halperin démonte ici l'un des principaux malentendus ayant contribué à effacer la radicalité critique de La Volonté de savoir : imputer à Foucault – à rebours même de sa résistance à toute totalisation théorique – une théorie moderne de la sexualité et une prétention à dire enfin la vérité sur le sexe.

David Halperin discerne un nouveau « mode d’emploi » de l’oubli de Foucault à cette seule fin que chacun, désormais, puisse se dispenser d’en user.

Elisabeth Ladenson : Proust lesbien

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Guy Le Gaufey, avant-propos d'Antoine Compagnon. Novembre 2004, 160 p.

Les petits malins, qui préfèrent lire le dessous des cartes en pensant que la vérité y est plus à son aise, se sont complus à reconnaître en Albertine… Albert. Jusqu’à échafauder une théorie dite « de la transposition » selon laquelle l’ensemble de l’œuvre proustien n’affiche son lesbianisme que pour mieux parler, à couvert, de l’homosexualité masculine de son auteur (si peu cachée, au demeurant). Elisabeth Ladenson prend ici le parti de montrer l’inconsistance et la grossièreté de cette thèse : la jalousie sans fin du narrateur pour Albertine, ses sentiments troubles pour Andrée, l’odyssée de Mlle Vinteuil et de son amie, la passion que la mère et la grand-mère du narrateur entretiennent pour les Lettres de Mme de Sévigné, la surprise insondable du baron Charlus devant la nature « lesbienne » de son amant Morel, autant d’aspérités du texte écrasées par la théorie de la transposition, auxquelles Elisabeth Ladenson redonne un relief saisissant. Gomorrhe n’est plus, sous sa plume, le symétrique de Sodome, mais une construction littéraire destinée à laisser deviner l’existence de ce que le narrateur toujours échoue à dire, à montrer : le plaisir lesbien. Et donc « ce que font les femmes entre elles », du simple fait d’excéder les capacités sexuelles et narratives de celui qui « longtemps s’est couché de bonne heure », s’offre comme l’objet d’une quête… toute littéraire. Si Proust, de son vivant, ne fut guère lesbien (on le sait dans le détail désormais), son narrateur reste pris dans les rets textuels de Gomorrhe et d’une sexualité que la bipolarité des genres échoue à classer.

Judith Butler : Antigone. La parenté entre vie et mort

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Guy Le Gaufey.

Mai 2003. 108 p.

Désormais reconnue pour ses travaux sur le genre (gender) et la sexuation, Judith Butler poursuit ici son questionnement en étudiant de très près l'Antigone de Sophocle. Faut-il continuer de réduire Antigone à ce que ses plus célèbres commentateurs en ont fait ? Tantôt une femme défendant les lois non écrites de la famille contre celles de l'État (Hegel), tantôt une fille se tenant à l'orée de l'ordre symbolique, choisissant le royaume de l'entre-deux-morts plutôt que la loi commune (Lacan) ? Son nom d'anti-gonè (contre la génération) ne désigne-t-il pas le trouble qu'elle jette, tant par ses paroles que par ses actes, dans l'ordre de la famille hétéronormée et dans la répartition des genres sexués ? Aujourd'hui où la parentalité se détache en partie de la famille traditionnelle, Antigone ne serait-elle pas en mesure de nous livrer quelques clefs de ce chamboulement ?

Lynda Hart : La performance sadomasochiste, Entre corps et chair

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Annie Lévy-Leneveu.

Mai 2003., 382 p.

Cet ouvrage offre davantage qu’une histoire du S/M lesbien des années 1980/1990. L. Hart piste les idéologies qui ont amené le lesbianisme à s’intégrer dans une pensée romantique qui nie le corps et situe la lesbienne comme une figure idéale du féminisme et, du même coup, a-sexuée. Excellente introduction aux gay and lesbian studies, sa recherche historique rigoureuse et documentée provoque le lecteur à une remise en question de notions jugées aussi essentielles que celles de désir ou de perversion.

L’examen des théories du sadomasochisme, et l’interprétation de la performativité du S/M en rapport avec le concept lacanien de réel, dessinent, entre corps et chair, une figure nouvelle de l’impossible. L’analyse fouillée du masochisme apporte une contribution importante à la réévaluation de ce concept. Lynda Hart enseigne l’anglais et les arts théâtraux à l’Université de Pennsylvanie. Elle est l’auteur de : Fatal Women : Lesbian sexuality and the Mask of Aggression, éditeur de Making a Spectacle : Feminist Essays on Contemporary Womens’ theater, et co-éditeur de Acting Out : Feminist Perforances. Avec cette première étude conséquente du S/M lesbien, Lynda Hart a produit un discours coloré et irrésistible contrant les versions érotophobes propres aux débats culturels contemporains. Between the body and the flesh situe le S/M comme un fil conducteur qui stimule les discussions concernant la censure dans les arts, la fétichisation de l’attirail sexuel, les recombinaisons de classe, race et sexualité ainsi que la politique de la psychanalyse.

"Bien qu’il s’agisse totalement et dans tous les sens du terme de son propre livre, j’ai lu Between the body and the flesh avec quelque chose comme l’impression de reconnaître qu’il répondait à un vœu. C’est un exploit réellement important. Les discours acides, semeurs de discorde voire corrosifs à propos du S/M à l’intérieur et autour du féminisme ces quinze dernières années ont tellement empoisonné le champ de la communication que ces chapitres lumineux ont une extraordinaire valeur." Eve Kosofsky Sedgwick.

Pat Califia : Le mouvement transgenre. Changer de sexe.

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Patrick Ythier.

Octobre 2003. 384 p.

Changer de sexe est une étude transversale de la transsexualité, de la dysphorie de genre et du transgendérisme au XXe siècle.

L'ouvrage propose un historique détaillé du transgendérisme ; l'auteur fait aussi état d'entretiens, développe une analyse culturelle et ajoute des anecdotes personnelles, afin de mieux comprendre les problèmes médicaux, sexuels, politiques et sociaux rencontrés par les personnes dysphoriques de genre. Il évoque la vie de quelques transsexuels dont l'histoire personnelle a fait événement, comme Christine Jorgensen, Jan Morris ou Mario Martino.

Après une présentation de la première génération de littérature transsexuelle, le livre relève les changements intervenus avec une deuxième vague d'autobiographies.

Sont analysés : les travaux des premiers « experts » du genre tels H. Benjamin, J. Money ou R. Stoller ; la question de la réaction féministe à l'encontre de la dysphorie de genre et de la réassignation sexuelle ; les recherches d'intellectuels gays (Katz, Roscoe...) sur les berdaches d'Amérique du Nord, les hijra d'Inde et les passing women, ces femmes qui s'habillent et vivent comme des hommes ; l'histoire des combats politiques d'activistes transsexuels.

Califia a écrit ce livre pour dire son refus de la discrimination et de la haine dirigées contre les personnes différentes de genre.

Jonathan Katz : L'invention de l'hétérosexualité

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Michel Oliva et Catherine Thévenet.

Décembre 2001. 236 p.

La distinction homosexuel/hétérosexuel date d’environ un siècle. Il s’agissait alors d’une façon nouvelle de classer et de juger la société et ses membres.

Jonathan Katz retrace l’histoire du concept d’hétérosexualité. II analyse les textes pionniers de Sigmund Freud ou Richard Von Krafft-Ebing sur la sexualité, et ceux d’auteurs comme James Baldwin, Betty Friedan, Adrienne Rich, Kate Millett, Michel Foucault.

La division homosexuel/hétérosexuel ne repose pas sur une nature immuable mais constitue une nouvelle modalité historique d’organisation de la sexualité. L’hétérosexualité n’a pas seulement été imposée, elle a été inventée, créée de toutes pièces notamment par ces médecins du XIXe qui avaient à justifier qu’on puisse faire l’amour sans intention de procréer.

Katz nous montre en effet qu’au départ, l’hétérosexualité était une perversion, une attirance pour les deux sexes, puis une pratique érotique excluant la procréation.

Comment est-elle devenue ensuite la norme dominante ?

Gayle Rubin, Judith Butler : Marché au sexe

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Eliane Sokol et Flora Bolter.

Mars 2002. 176 p.

Aucun amateur de cuisine épicée ne se verra privé de liberté ou victime d’ostracisme pour avoir satisfait ses papilles gustatives. En revanche, on peut être jeté en prison pour trop aimer les chaussures en cuir. De même, l’homosexualité, le sida, la pornographie, le transsexualisme, et aujourd’hui la pédophilie, donnent-ils lieu à ce que Gayle Rubin appelle une « panique morale ». Chaque panique désigne une minorité sexuelle, généralement inoffensive, comme population-cible. Au terme du processus, celle-ci se trouve décimée, et la société tout entière, juridiquement et socialement, réorganisée.Gayle Rubin a jeté les bases d’un champ autonome d’études sur le sexe où désir, jouissance et diversité érotique, pourraient trouver leur raison théorique et politique.Les trois textes publiés ici s’inscrivent dans une filiation politique (le féminisme, la nouvelle gauche, les luttes antiracistes, les luttes pour les droits civiques) et théorique (les sexologues, Freud, Lacan, Marx, Foucault, Derrida). Les paradigmes ne valent rien sans l’enquête de terrain, et rien non plus s’ils ne s’actualisent en choix de stratégie et de tactique politiques. L’ensemble s’éclaire du partiel, le partiel de l’ensemble.

Nous sommes loin ici du communautarisme béat qu’on prête parfois en France aux intellectuels nord-américains. Qu’on lise les critiques acerbes de Judith Butler sur les replis identitaires : « Les lesbiennes n’ont rien d’autre en commun que leur expérience du sexisme et de l’homophobie ». Ou ses réserves sur le coming out : « La sexualité reste-t-elle sexualité quand elle est soumise à un critère de transparence et de révélation ? Une quelconque sexualité serait-elle possible sans cette opacité qui a pour nom inconscient ? »  Gayle Rubin et Judith Butler soulignent constamment la nécessité de ne pas troquer une violence contre une autre, une démonologie religieuse contre une démonologie laïque, laissant ainsi sa chance à l’érotologie moderne.

David Halperin : Saint Foucault

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Didier Eribon.

Mai 2000. 160 p.

« Mon travail n’a rien à voir avec la libération gay » aurait dit Michel Foucault à un admirateur en 1975. Mais alors, pourquoi Foucault, qui mourut du sida en 1984, fait-il référence pour une génération entière de militants gays ? Lecture serrée de Foucault et des textes qu’il a consacrés à l’homosexualité masculine, Saint Foucault rend compte des raisons pour lesquelles les straights trouvent si souvent chez Foucault des conclusions désespérantes en matière de politique, alors que les militants gays voient en lui une source d’inspiration, mais aussi un exemple de résistance politique.

Le choix foucaldien de traiter la sexualité non dans une perspective biologique ou psychologique, mais comme effet de discours, produit des systèmes modernes de connaissance, constitue une percée politique. La vision foucaldienne radicale de l’homosexualité en tant qu’occasion stratégique pour une transformation de soi anticipe les mouvements anti-assimilationniste et anti-essentialiste de la politique d’identité sexuelle pratiquée par les groupes d’action directe, type Act Up.

Halperin propose le premier compte-rendu synthétique de la pensée de Foucault concernant la sexualité gay et l’avenir du mouvement lesbien et gay, en même temps qu’un résumé des plus récents travaux de la queer théorie.

« Là où il y a pouvoir, il y a résistance », écrivait Foucault. Érudit, mordant, étonnamment émouvant, Saint Foucault constitue la propre résistance de Halperin à ce qu’il considère comme la flagrante et systématique mystification d’une figure intellectuelle cruciale, une mystification qu’il entrevoit comme un témoignage dramatique de la persistante vulnérabilité personnelle, professionnelle et universitaire des militants et intellectuels gays à l’époque du sida.

Vernon Rosario : L'irrésistible ascension du pervers - Entre littérature et psychiatrie

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Guy Le Gaufey.

Janvier 2000, 304 p.

On commence à le savoir : le « pervers » est une invention récente. Il n’apparaît comme tel que dans les tensions sociales issues du Second Empire, de la Commune et des sombres débuts de la IIIe République. La masturbation, ce « confort fatal », était certes tenue pour un fléau depuis le Rousseau des Confessions, et les pédérastes, infâmes, bougres, bardaches et autres « chevaliers de la Manchette » hantaient depuis longtemps les rapports de police. Seule pourtant la psychiatrie parvint à réunir ces traits épars pour en faire surgir un personnage nouveau : le pervers fin-de-siècle.

Elle le put grâce à l’inverti : « âme féminine dans un corps d’homme », ou homme viril aimant un autre homme non moins viril ? Désormais, les témoignages se disputent le terrain : les médecins (Charcot, Magnan, Lasègue, Laupts, Legrand du Saulle, Morel, Sérieux, Tardieu) écrivent leurs récits de cas comme des romanciers ; les romanciers (Huysmans, Zola, Flaubert, Dubarry) s’alimentent aux comptes-rendus des revues médicales ; les sexologues font leur apparition, et les invertis eux-mêmes publient des confessions plutôt « hard ». L’armée des fétichistes vient enfin prêter main-forte à toutes ces conduites sexuelles, où transparaît une « imagination érotique » propre à effrayer une société hantée par l’idée de sa décadence.

Rosario entraîne son lecteur dans une vertigineuse efflorescence de pathologies hautes en couleurs, au regard de laquelle seule la sexualité conjugale et reproductrice survit comme norme. Son érudition montre, textes à l’appui, sur quel mycélium psychiatrico-littéraire a fleuri la première figure moderne du « pervers ».

Khaled El-Rouayheb : L'amour des garçons en pays arabo-islamique. XVIe-XVIIIe siècle

Traduit de l'anglais (Etat-Unis) par Dimitri Kijek. Février 2000, 300 p.

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« On savait depuis des siècles que l’homosexualité masculine était honorée ou pratiquée dans la culture arabo-islamique. Des voyageurs occidentaux l’avaient évoquée, des romans ou des études l’ont parfois décrite ou y ont fait allusion, mais il n’y avait jamais eu jusqu’alors de recherche approfondie ou systématique sur le sujet. Par ce travail qui réunit un grand nombre de données issues de textes poétiques, théologiques, coraniques, historiques, juridiques et littéraires, Khaled El-Rouayheb comble une importante lacune de notre savoir sur l’érotisme masculin dans le monde arabo-islamique à l’aube de notre modernité ».

DAVID M. HALPERIN Auteur de Cent ans d’homosexualité.

« Le livre de Khaled El-Rouayheb est un très utile correctif aux interprétations de ceux qui ont ignoré, mal compris ou dénaturé les rapports de l’Islam prémoderne à l’homoérotisme. C’est de plus une contribution bienvenue à l’étude d’une période de l’histoire de la littérature arabe qui n’a pas toujours fait l’objet de suffisamment de recherches. C’est un travail éminemment recommandable, impudique, provocant et sérieux ».

GEERT JAN VAN GELDER Professeur d’arabe émérite à l’université d’Oxford.

Gayle Rubin : Surveiller et jouir

Edité par Rostom Mesli, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Rostom Mesli, Flora Bolter, Christophe Broca, Nicole Claude-Mathieu, janvier 2011, 484 p.

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Extraits de la préface de David Halperin et Rostom Mesli

Gayle Rubin est une légende vivante des études sur la sexualité et de la queer theory. Le Marché aux femmes, qu’elle écrivit lorsqu’elle était étudiante de premier cycle, devint très vite l’article d’anthropologie sociale le plus cité ; on considère qu’il a fondé les champs de la théorie féministe et des études de genre, et qu’il est à la base de tous les travaux ultérieurs sur la construction sociale du genre. En fait, Rubin semble avoir été la première anthropologue féministe à employer le mot de « gender » dans un texte imprimé. À « Penser le sexe », autre article qu’elle écrivit dix ans plus tard, on attribue la fondation des études sur la sexualité, des études gaies et lesbiennes, et de la queer theory. Par la suite, Rubin publia une série d’articles qui l’ont confirmée dans son statut de représentante la plus éminente de ce qu’elle a elle-même appelé « une théorie radicale de la politique de la sexualité ».

David Halperin : Cent ans d'homosexualité

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Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Châtelet.

Janvier 2000. 317 p.

Nos catégories modernes échouent à rendre compte de la vie érotique dans la Grèce ancienne : c’est que l’« homosexualité », l’« hétérosexualité » et même la « sexualité » sont des inventions récentes, les produits d’une construction culturelle loin d’être universelle et dégagée des processus historiques.

Prenant la suite des questions soulevées par l’enquête de Michel Foucault sur l’histoire de la sexualité, David Halperin entreprend donc sans détours d’étudier à nouveaux frais certains aspects de l’érotique masculine dans le monde grec antique. Comment et dans quels termes l’expérience érotique s’est-elle constituée ? Comment se distinguait-elle des autres expériences et quelles en furent les frontières ? Les plaisirs sexuels avaient-ils une forme différente pour les différents membres de la société ? Comment la constitution des sujets sexuels était-elle liée à celles d’autres formes sociales ? de pouvoir ? de savoir ?

En comparant les figures mythiques de l’amitié masculine, en analysant l’équivalence entre prostitution et incapacité politique dans l’Athènes classique, ou encore la définition de l’identité de Diotime, seul personnage féminin du Banquet de Platon, David Halperin déplace la perspective ordinaire des études sur la paiderastia qui la confondaient jusque-là avec « l’amour grec » tout entier.

Il prouve ainsi qu’interroger autrement les discours que les anciens Grecs tiennent sur l’erôs et l’expérience qu’ils en ont transformé les idées que nous nous faisons sur le sexe et sur notre propre culture.