David Halperin : Saint Foucault
« Mon travail n’a rien à voir avec la libération gay » aurait dit Michel Foucault à un admirateur en 1975. Mais alors, pourquoi Foucault, qui mourut du sida en 1984, fait-il référence pour une génération entière de militants gays ? Lecture serrée de Foucault et des textes qu’il a consacrés à l’homosexualité masculine, Saint Foucault rend compte des raisons pour lesquelles les straights trouvent si souvent chez Foucault des conclusions désespérantes en matière de politique, alors que les militants gays voient en lui une source d’inspiration, mais aussi un exemple de résistance politique.
Le choix foucaldien de traiter la sexualité non dans une perspective biologique ou psychologique, mais comme effet de discours, produit des systèmes modernes de connaissance, constitue une percée politique. La vision foucaldienne radicale de l’homosexualité en tant qu’occasion stratégique pour une transformation de soi anticipe les mouvements anti-assimilationniste et anti-essentialiste de la politique d’identité sexuelle pratiquée par les groupes d’action directe, type Act Up.
Halperin propose le premier compte-rendu synthétique de la pensée de Foucault concernant la sexualité gay et l’avenir du mouvement lesbien et gay, en même temps qu’un résumé des plus récents travaux de la queer théorie.
« Là où il y a pouvoir, il y a résistance », écrivait Foucault. Érudit, mordant, étonnamment émouvant, Saint Foucault constitue la propre résistance de Halperin à ce qu’il considère comme la flagrante et systématique mystification d’une figure intellectuelle cruciale, une mystification qu’il entrevoit comme un témoignage dramatique de la persistante vulnérabilité personnelle, professionnelle et universitaire des militants et intellectuels gays à l’époque du sida.